Nouvelles syndicales et professionnelles

Colloque citoyen dans Charlevoix
Améliorer la santé ville par ville, village par village

Nathalie Vallerand | 25 juillet 2025

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Devant l’épidémie de maladies chroniques, un omnipraticien s’est allié aux 13 maires de la région de Charlevoix pour organiser un colloque citoyen. Objectif : favoriser les saines habitudes de vie par la priorisation du bien-être collectif.

Les 29 et 30 mai derniers, quelque 200 personnes ont participé au colloque citoyen « L’amélioration de notre santé dans Charlevoix ». Au programme, il y avait bien sûr des conférences d’experts, comme celle du Dr Jean-François Chicoine sur le bien-être des enfants et celle de la Dre Marie-Ève Piché sur la santé cardiovasculaire des femmes. Mais l’événement se distinguait par la place accordée aux idées et aux solutions concrètes des citoyens pour améliorer la santé de leur collectivité.

L’initiative de ce colloque revient au Dr Jean-Luc Dupuis, un omnipraticien qui compte 45 ans de pratique. « Je veux consacrer la fin de ma carrière à l’amélioration de la santé. Car traiter des maladies, ce n’est pas la même chose qu’améliorer la santé. La preuve, c’est que la santé des Québécois se détériore. »

Bien connu dans la région de Charlevoix pour ses multiples engagements — il est notamment le fondateur du Musée de Charlevoix et cofondateur de La virée nordique —, le Dr Dupuis estime que les gens se sentent peu concernés par les campagnes de prévention. « Ils les associent à des mesures de santé publique, comme la vaccination. Mais ça ne les touche pas vraiment. Cependant, lorsqu’on leur propose d’améliorer leur propre santé, c’est autre chose, car on rejoint alors leurs émotions. »

Passer à l’action

Le clinicien considère par ailleurs qu’en matière de santé, il y a trop de réflexion d’experts au Québec et pas suffisamment de gestes concrets. D’où l’idée d’interpeller directement la population de Charlevoix pour mettre de l’avant des initiatives et des suggestions concernant les quatre piliers de la santé, soit l’activité physique, le bien-être psychologique, l’alimentation et l’environnement.

Lors du colloque, une cinquantaine de propositions et de projets ont ainsi été présentés, comme l’ajout de sentiers de randonnée, des cours de cuisine pour les parents et les enfants ou encore l’organisation de sorties scolaires dans les deux parcs nationaux de la région. Une grande chaîne de restauration s’est, pour sa part, engagée à mener un projet pilote pour offrir aux enfants des menus plus sains tandis qu’un citoyen a décidé d’installer des nichoirs d’oiseaux à plusieurs endroits pour favoriser le bien-être de la collectivité.

Le Dr Dupuis a quant à lui proposé l’idée d’une « agora santé ». Il s’agit d’un bâtiment de la taille d’un aréna, doté d’une façade vitrée donnant sur la nature. « Il coûterait le tiers du prix d’un centre sportif, parce qu’il n’y aurait pas d’équipement à l’intérieur, seulement une immense salle multidisciplinaire où les gens pourraient marcher, courir, danser, faire du yoga, etc. », décrit-il en soulignant qu’une telle infrastructure permettrait à la population de continuer à bouger lorsque les conditions météorologiques sont mauvaises.

Faciliter la distribution des fruits et des légumes locaux dans les établissements de santé de la région fait aussi partie des suggestions des participants. « Il faut mettre fin à la réglementation nocive. Nos maraîchers ont de la difficulté à vendre leurs produits aux hôpitaux de notre territoire, parce que le système d’approvisionnement fonctionne par soumission, ce qui avantage les grossistes », déplore le Dr Dupuis qui souhaite par ailleurs la création d’un poste de ministre délégué à l’amélioration de la santé.

Pourquoi est-ce important ?

Au début du colloque, M. Jean-Pierre Després, directeur scientifique du Centre de recherche en santé durable VITAM, s’est adressé à l’auditoire pour souligner l’importance de l’événement dans le contexte actuel. « Je fais de la recherche sur les maladies chroniques depuis 40 ans. Je m’intéresse à leur prise en charge, mais surtout à leur prévention par le mode de vie, indique-t-il. Mais en 2019, j’ai pris conscience que les Québécois n’avaient jamais été aussi affligés de ces maladies-là. Je me suis alors demandé si j’avais servi à quelque chose pendant toutes ces années », affirme l’expert qui a publié de nombreuses études, notamment sur la santé cardiovasculaire et métabolique.

La réaction de M. Després a été de participer à la création de VITAM, dont les activités de recherche sont conçues et réalisées avec les citoyens et les collectivités. « La santé ne se “fabrique” pas dans les hôpitaux, mais dans les milieux de vie, soit les familles, les écoles, les municipalités, soutient-il. Si on veut diminuer la pression sur le réseau de la santé, c’est par là qu’il faut commencer. »

Pour y parvenir, les meilleurs alliés sont les maires, car ils sont proches des citoyens et connaissent les problèmes de leur communauté, selon le chercheur. « C’est pour cette raison que ce qui s’est passé au colloque est si important », affirme-t-il.

À ses yeux, cet événement est un exercice de démocratisation de la santé, tout comme le concept de santé durable au cœur de la démarche de VITAM. « La santé durable, c’est un esprit sain dans un corps sain, dans un milieu de vie et un environnement sains, sur une planète en bonne santé. Pour atteindre cet objectif, on doit éviter les leçons de morale. Il faut plutôt se mettre à l’écoute des populations locales pour comprendre leurs besoins et réfléchir avec elles aux moyens à prendre pour les aider à améliorer leur santé. »

Avec son colloque, le Dr Jean-Luc Dupuis espère pour sa part avoir allumé une étincelle qui déclenchera un mouvement vers un mode de vie plus sain et plus actif. « Je suis convaincu que c’est par l’engagement des municipalités et des citoyens qu’on peut améliorer la santé des gens. Famille par famille, village par village, ville par ville. »

D’ailleurs, l’événement s’est conclu par la signature d’une déclaration solennelle où les Charlevoisiens ont affirmé leur volonté que l’amélioration de la santé soit une priorité collective et fasse partie intégrante de leur identité. Un comité de suivi sera mis en place pour veiller à ce que des actions concrètes voient le jour. « Il n’est pas question de discuter éternellement sans poser d’actions », conclut le Dr Dupuis.