Dre Renée Laberge
Poète

En 2024, la Dre Renée Laberge a réalisé un rêve de jeunesse en publiant son premier livre, un recueil de poésie intitulé Passant le désordre. Diplômée en linguistique française, elle écrit depuis toujours, notamment des zines, mais c’est pendant la pandémie qu’elle a découvert la poésie.
Comme médecin, elle ressentait alors une surcharge mentale qui lui laissait peu d’espace pour faire de longues lectures. Elle s’est donc mise à lire des poèmes, parce que ce sont des textes courts. « Je suis tout de suite tombée en amour avec la poésie, raconte la médecin de famille. Évidemment, j’ai aussi voulu en écrire. C’est ainsi que ma carrière de poète a commencé. »
Aux premières loges des drames humains causés par la crise sanitaire, la médecin de famille a trouvé dans ce genre littéraire une façon de déposer ses émotions. « Dans mon rôle de médecin, je suis témoin de beaucoup de situations difficiles. À elle seule, l’intervention professionnelle ne suffit probablement pas à transcender toute cette souffrance. La poésie permet beaucoup de créativité, d’originalité, de tours et de détours qui rejoignent et apaisent mon cœur de médecin. »
Que du bonheur
Pour la Dre Laberge, créer est une grande joie. « J’ai l’impression de vivre une vie augmentée parce que tout est une source d’inspiration : mes lectures, la nature, les œuvres d’art, le chaos, la souffrance, les émotions des gens, etc. Et puis, quand on est poète, on aime les mots. Je peux m’enflammer des jours pour un mot. »
À 60 ans, elle se trouve privilégiée de commencer dans un nouveau domaine plutôt que le contraire. « Je participe à des soirées de poésie. J’écris aussi des zines en collaboration avec Tête de l’art, une petite compagnie de création féministe. Rencontrer de nouvelles personnes et collaborer avec elles est pour moi l’un des aspects les plus précieux de l’écriture. »
La poésie la nourrit par ailleurs comme médecin. « En écrivant des poèmes, j’ai développé une capacité à décrire et à nommer les choses avec des images. Les mots me viennent plus facilement lorsque je donne des explications à mes patients. Je trouve même que je suis une meilleure médecin ! »
La Dre Renée Laberge, qui exerce en milieu défavorisé à Québec, a aussi publié des poèmes dans des collectifs d’auteurs. Elle prépare un deuxième recueil de poésie.
Passant le désordre, Éditions L’Hybride, Québec, 2024, 101 pages, 19 $.
Dre Marie-Josée Latouche
Peintre

Occupée par son travail de médecin et ses obligations familiales, la Dre Marie-Josée Latouche avait presque oublié qu’elle aimait dessiner. Mais en 2011, lorsqu’elle ressort son matériel d’artiste pour offrir un dessin en cadeau à une amie, elle réalise combien l’art lui avait manqué. « Je me suis rendu compte que je suis une artiste et que je ne pouvais plus mettre cette partie de moi de côté. J’ai donc renoué avec l’art, mais avec de nouveaux médiums, l’acrylique et les techniques mixtes. »
Depuis, la clinicienne consacre une journée par semaine à ses pinceaux et à ses tubes de couleur. « C’est la seule façon que j’ai trouvée de concilier la médecine et l’art, car si j’attends d’avoir du temps pour peindre, je ne peindrai jamais. »
Lorsque la Dre Latouche est dans son atelier, elle oublie toute notion de performance. « La plupart du temps, je commence par faire des taches de couleur sur la toile, puis je vois des formes apparaître et je peins à partir de cela. C’est très spontané comme processus de création. Et c’est aussi thérapeutique. Mais ce qui me fait le plus de bien, c’est lorsque des gens me disent que mes tableaux leur font du bien. »
Un univers joyeux
L’artiste peintre affectionne les superpositions de matériaux et de tissus, les surfaces texturées, les marques de grattage, les toiles de grand format. Son univers est ludique et coloré, égayé par des drôles de bonshommes, des enfants, des oiseaux, des fleurs, des fruits. « J’aime solliciter mon cœur d’enfant, celui qui crée depuis toujours », indique la médecin de Québec dont la pratique consiste en visites à domicile en gériatrie.
Est-ce un choix de créer des œuvres qui reflètent une telle joie de vivre alors qu’elle exerce auprès d’une clientèle âgée et vulnérable ? « Mes pratiques artistique et médicale sont à l’opposé l’une de l’autre, c’est vrai. Cependant, ce n’est pas un fait que j’ai rationalisé. Quand j’ai commencé à peindre, les thèmes ludiques se sont imposés tout naturellement, et j’ai suivi. Peut-être est-ce mon inconscient qui a voulu contrebalancer la lourdeur de ma pratique. »
La Dre Marie-Josée Latouche a par ailleurs photographié plusieurs de ses patients pour sensibiliser la relève à la pratique à domicile auprès des personnes âgées. « Avec ce projet, j’ai voulu montrer aux résidents en médecine toute l’humanité, la beauté, la fragilité et aussi la solitude de ces patients. En exposant mes photos aux murs du GMF-U, j’espère les toucher et leur donner le goût de faire des visites à domicile. »
Site Web de la Dre Marie-Josée Latouche : https://bit.ly/45mX5tL
Dr Julien Poitras
Bédéiste

Doyen de la Faculté de médecine de l’Université Laval, le Dr Julien Poitras concilie depuis 30 ans sa profession d’urgentologue, son métier de bédéiste et ses fonctions d’éditeur de Moelle Graphik, la maison d’édition qu’il a fondée.
Le Dr Poitras a publié ses premières bandes dessinées dans le journal Le Soleil dans les années 1990, alors qu’il effectuait un baccalauréat en arts à l’Université Laval. Vers la fin de sa formation, il s’est inscrit à un cours d’anatomie de la Faculté de médecine pour perfectionner le réalisme de ses dessins. Ce cours a été l’étincelle qui l’a décidé à faire sa médecine, lui qui avait étudié en sciences pures au cégep.
Auteur d’une dizaine de livres de bandes dessinées, le Dr Poitras a fait paraître cette année Le poids de nos traces, un album inspiré de son expérience de soignant et d’enseignant. Au fil des pages, le lecteur suit l’urgentologue et son étudiante lors d’un quart de travail à l’urgence. Les cas qui se succèdent à un rythme effréné, les mauvaises nouvelles à annoncer, les paroles désobligeantes de certains soignants envers la clientèle… L’ouvrage esquisse un portrait réaliste et sans complaisance du système de santé.
« Comme doyen de la Faculté de médecine, je constate que nos étudiants arrivent en médecine avec l’espoir de changer le monde. Mais lorsqu’ils se retrouvent en stage, ils se butent à des règles en contradiction avec leurs valeurs ou qui peuvent nuire à la qualité des soins. Ils sont aussi confrontés à du cynisme. »
L’album du Dr Julien Poitras comporte par ailleurs un aspect pédagogique grâce aux explications cliniques qu’on y trouve et aux propos sur les examens inutiles, le surtraitement ou encore l’impact environnemental du système de santé.
Le Dr Poitras, qui collabore également avec d’autres bédéistes en tant que coloriste, estime que la pratique d’une activité artistique rend plus ouvert à l’égard de la diversité et des différences. « Cela peut aider les soignants à entrer en relation avec les patients d’autres cultures sans se sentir confrontés dans leurs valeurs. » L’art, ajoute-t-il, fait également en sorte que la pensée d’un médecin n’est plus aussi catégorique. Ainsi, celui-ci peut mieux composer avec l’incertitude et est plus ouvert à considérer d’autres approches. « En médecine, il n’y a pas qu’une seule conduite qui est acceptable », conclut-il.
Éditions Moelle Graphik : https://moellegraphik.ca
Dre Annie Lemay
Pianiste de concert

Pour trouver un équilibre, la Dre Annie Lemay a autant besoin de la musique que de la médecine. « Après un quart de travail à l’urgence, jouer une sonate de Schubert me fait du bien. Avec la musique, je me reconnecte à moi-même et je suis dans le moment présent. C’est presque un exercice de pleine conscience. La musique donne aussi du sens et de la beauté à l’existence », constate celle qui exerce à Kuujjuaq et à Montréal.
Bardée de diplômes en musique, la Dre Lemay s’est produite dans plusieurs pays et détient une surspécialité dans les lieder allemands romantiques, des chants poétiques généralement écrits pour une voix solo accompagnée d’un piano. En ce moment, elle prépare un concert sur le Voyage d’hiver de Franz Schubert, qu’elle présentera l’an prochain avec le baryton Philippe Bolduc.
La musique, assure-t-elle, demeurera toujours une passion pour elle. Néanmoins, il y a quelques années, elle a décidé de diminuer ses activités musicales pour entreprendre une carrière en médecine. Pourquoi ? « Certains aspects du monde de la musique me plaisent moins. Par exemple, il faut être la saveur du moment, se vendre comme si on était un produit de consommation, connaître les bonnes personnes pour obtenir des contrats, etc. Je ne suis pas à l’aise avec ça. »
L’influence d’Einstein
Deux événements ont joué un rôle de catalyseur pour orienter la pianiste vers la médecine. Elle est d’abord tombée par hasard sur un livre d’Einstein. « C’était concret, basé sur la science et sur des données. C’est étrange, mais la lecture de ce livre m’a apporté du réconfort. »
Le deuxième événement est survenu lorsque la Dre Lemay a eu un problème de santé qui a été traumatique pour elle. Lors de son parcours de soins, elle a croisé deux médecins. Le premier n’a pas fait honneur à sa profession. Mais la deuxième a été extraordinaire. « Elle m’a aidée à gérer ce qui m’arrivait, elle était empathique, elle avait les bons mots. Je me suis dit que j’aimerais moi aussi jouer ce rôle-là pour d’autres personnes. Peu après, je m’inscrivais en médecine », relate-t-elle.
En pratique depuis 2020, la Dre Lemay estime que son expérience de musicienne fait d’elle une meilleure médecin. « Quand on commence la médecine, on se fait dire qu’on est la crème de la crème. Je pense qu’avoir fait autre chose avant rend plus humble, ce qui favorise une bonne relation patient-médecin. » La musique également lui a permis d’apprendre à rester calme. Elle peut, par exemple, continuer à jouer lorsqu’une chanteuse a un trou de mémoire. « Comme médecin, cela m’est très utile dans les situations d’urgence. »
Dre Émilie Trahan
Artiste textile de courtepointe

Après le décès accidentel de sa grand-mère, en 2013, la Dre Émilie Trahan trouve dans le logement de celle-ci un grand sac à son nom. À l’intérieur : une courtepointe. « J’ai été très touchée de recevoir ce legs, cette passation de l’art textile. Une petite lumière s’est allumée en moi, et j’ai eu envie d’honorer cet héritage », raconte-t-elle.
Déjà habile dans les travaux de couture, elle s’est lancée. Au début, elle réalisait des courtepointes traditionnelles, composées de carrés de tissu de même taille. Puis, elle s’est mise à improviser, explorant les courbes, les formes et les couleurs. Dès lors, ses créations n’étaient plus de simples courtepointes, mais des œuvres d’art. Chacune d’entre elles nécessite des centaines d’heures de travail.
La Dre Trahan, qui dit avoir une passion infinie pour les couleurs vives, est une habituée du Quilt Con, une grande exposition américaine des artistes textiles de courtepointe. Cette année, elle a remporté quatre rubans pour quatre œuvres différentes, toutes réalisées avec des tissus recyclés. On lui demande par ailleurs souvent de donner des présentations aux États-Unis et au Canada.
Qu’est-ce que cette pratique artistique lui apporte ? « Un grand bien-être et de l’équilibre. Créer, c’est presque spirituel. J’ai de la difficulté à le nommer, mais je pense que dans une zone de mon cerveau, mon vécu se traduit dans un langage de formes et de couleurs. » Et pour cette médecin qui exerce en soins palliatifs, les couleurs sont aussi une célébration de la vie.
Instagram de la Dre Émilie Trahan : https://bit.ly/3ZrK7qF
Dre Geneviève Caron-Fauconnier
Artiste peintre et future bédéiste

L’amour de la peinture et du dessin suit la Dre Geneviève Caron-Fauconnier depuis son adolescence. « Au secondaire, je faisais constamment de petits dessins dans les marges de mes cahiers. J’ai suivi aussi plusieurs cours de peinture. Et quand est venu le temps d’aller à l’université, j’ai même hésité entre la médecine et les beaux-arts. »
Finalement, c’est la médecine qui l’a emporté, mais l’art a toujours pris une grande place dans la vie de la médecin de famille. « Les deux se nourrissent l’un et l’autre. Les histoires que je raconte à travers mes toiles, les émotions que j’exprime, sont liées d’une certaine façon à ce que je vis au cabinet avec mes patients », explique celle qui exerce à la Clinique familiale de Saint-Georges.
La Dre Caron-Fauconnier assure peindre avant tout pour elle-même. « Ça me fait du bien, ça efface ma fatigue, ça me rend heureuse. Je retrouve mon cœur d’enfant et je m’amuse. » Elle s’étonne d’ailleurs que des collègues aient été émus par ses œuvres lors du congrès Soulager la souffrance : du patient au soignant, en mai dernier. « Je crée sans pression, sans penser au regard des autres sur ce que je fais. Mais je me rends compte maintenant que mes œuvres touchent les gens beaucoup plus que je le pensais. »
Un projet de bande dessinée
Au cours des dernières années, la médecin a élargi son éventail de techniques. En plus de l’acrylique et de la peinture à l’huile, elle explore maintenant l’aquarelle, des médiums mixtes, les collages, l’encre de Chine, le cyanotype et, plus particulièrement, la bande dessinée. « La banque dessinée m’intéresse vraiment beaucoup. C’est comme si je ressentais désormais le besoin de raconter une histoire en associant le dessin avec des mots », dit-elle.
Quel genre d’histoire ? Une histoire mettant en scène une médecin de famille, bien sûr ! Sans tout révéler, la Dre Caron-Fauconnier compte s’inspirer de ses journées de travail au cabinet ainsi que de son quotidien de mère de famille. Et cette fois-ci, ce n’est pas seulement pour elle qu’elle fera sa bande dessinée : elle a bien l’intention de la publier.
« Depuis quelque temps, je réalise que cela devient plus important pour moi de me développer et de m’accomplir comme artiste », dit-elle. Membre de l’organisme Artistes et Artisans de Beauce, la clinicienne participe à l’occasion à des expositions collectives. Elle n’a encore jamais exposé seule, mais y songe. L’exposition solo attendra toutefois un peu, car sa priorité est de terminer sa bande dessinée.