
Dès les premières minutes de l’entrevue par Teams, le Dr Stephen Nicola Di Tommaso s’excuse d’emblée : il surveille les nombreuses fenêtres ouvertes sur son ordinateur (dossiers médicaux électroniques, DSQ, documents Word et résultats de laboratoire), ce qui nous donne un aperçu de la gestion qu’il a à faire au quotidien. Malgré la distance virtuelle, sa chaleur humaine se manifeste aussitôt.
Nommé Médecin de famille de l’année par le Collège québécois des médecins de famille, il accueille l’honneur avec une grande humilité. « Beaucoup d’autres médecins le méritaient autant que moi », insiste-t-il.
L’omnipraticien confie qu’il s’efforce de cultiver l’empathie et la bienveillance, même quand la fatigue ou la routine s’installe. « Avec le temps, certains médecins en viennent à voir les patients comme une source de frustration, d’intérêt scientifique ou même de revenu… jusqu’à ce qu’ils changent de rôle. Quand on devient patient à son tour, on comprend à quel point un regard, un geste, un sourire ou quelques mots peuvent faire la différence », observe-t-il.
Un choix de cœur
Alors qu’il venait tout juste d’être admis en médecine à l’Université McGill, le Dr Di Tommaso a reçu de sa mère un conseil marquant : « Même si c’est le millième bébé que tu aides à venir au monde, pour la mère, c’est peut-être son tout premier. » Un rappel qu’il garde toujours en mémoire.
Pourquoi avoir choisi la médecine familiale ? « Parce que j’aime la polyvalence », répond-il simplement. En entamant ses études, il n’avait pas encore d’idée précise du parcours qui l’attendait, mais il était inspiré par l’image du médecin engagé et disponible, prêt à se lever en pleine nuit pour aller soigner une famille.
Durant sa carrière, le Dr Di Tommaso a travaillé en Abitibi-Témiscamingue, participé à de nombreux accouchements, prodigué des soins palliatifs à domicile et enseigné à la relève à l’Université de Montréal. Il a également consacré une partie de son activité professionnelle aux plus vulnérables : les personnes en situation d’itinérance, les patients aux prises avec des dépendances ou des troubles de santé mentale. « J’ai volontairement choisi une clientèle défavorisée. J’aime cette pratique, même si elle demande beaucoup de temps et de paperasse. C’est valorisant, car je vais là où sont les besoins », souligne-t-il. Aujourd’hui encore, il poursuit ses visites en CHSLD et travaille au CLSC des Faubourgs, dans un quartier défavorisé de Montréal.
Le médecin le reconnaît : il ne compte pas ses heures et s’accorde rarement une journée de congé. Ce rythme soutenu lui plaît beaucoup, mais il sait qu’il ne convient pas à tout le monde. « J’aime ce que je fais et je me considère comme chanceux. C’est un métier exigeant, parfois lourd, et pas toujours plaisant. Il faut être un peu workaholic pour tenir le coup en médecine familiale. Cela aurait été impossible sans le soutien de ma femme et de mes enfants », confie-t-il avec gratitude. Malgré son emploi du temps chargé, il n’a jamais négligé sa famille ni manqué d’anniversaires.
Quel conseil donnerait-il aux jeunes médecins ? De rester à l’écoute d’eux-mêmes pour choisir leur parcours universitaire et d’apprendre à naviguer parmi les nombreuses frustrations administratives. « Il faut faire preuve de tolérance sans se décourager et demeurer disponible. Cela veut parfois dire sacrifier son heure de dîner et rester tard le soir. Être là, tout simplement. »
L’honneur qu’il reçoit met ainsi en lumière ce que ses patients savent depuis longtemps : derrière le stéthoscope, il y a un médecin humain, engagé et inspirant.
