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Vaginose bactérienne
soigner aussi le partenaire

Élyanthe Nord | 1 juillet 2025

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Une étude publiée dans le New England Journal of Medicine montre que chez les femmes présentant une vaginose bactérienne, le traitement topique et par voie orale du partenaire réduit grandement le risque de récurrence.

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La vaginose bactérienne touche, à un moment ou à un autre, le tiers des femmes en âge de procréer. Et chez plus de la moitié, l’infection revient dans les trois mois après le traitement. Mais il y a une solution pour réduire ces récurrences : traiter aussi le partenaire masculin.

Cette mesure s’est révélée suffisamment efficace dans l’étude StepUp, publiée dans le New England Journal of Medicine, pour que l’essai ait été cessé prématurément1. Ainsi, au bout de 12 semaines, le taux de récurrence était de 35 % dans le groupe dont le partenaire avait été traité, mais de 63 % dans le groupe témoin (P 0,001).

« Ce n’est pas un miracle. Un tiers des patientes va quand même avoir une récidive dans les trois mois même si le partenaire est traité. Mais c’est une amélioration, et le traitement n’est pas très lourd pour les hommes », souligne la Dre Laurence Simard-Émond, chef du Service d’obstétrique du Centre hospitalier de l’Université de Montréal.

137 couples monogames

L’essai clinique StepUp s’est déroulé en Australie dans deux centres de santé sexuelle et trois cliniques de planification familiale. Les chercheurs, dirigés par Mme Lenka Vodstrcil, ont recruté 137 couples monogames dont la femme présentait une vaginose bactérienne.

La participante devait répondre à au moins trois des quatre critères d’Amsel (pertes vaginales caractéristiques, pH vaginal supérieur à 4,5, odeur de poisson et présence de cellules indicatrices*) et avoir un score de Nugent de 4 ou plus.

Les couples ont été répartis au hasard en deux groupes. Dans le premier, les 68 hommes ne recevaient aucun traitement. Dans le second, les 69 participants devaient, deux fois par jour, pendant une semaine, prendre des comprimés de 400 mg de métronidazole et s’appliquer une quantité de 2 cm de diamètre de clindamycine à 2 % sur le gland et la peau du pénis (ainsi que sous le prépuce, s’ils n’étaient pas circoncis). Contrairement à d’autres études qui se concentraient uniquement sur le traitement par voie orale des partenaires, l’essai StepUp ciblait les micro-organismes associés à la vaginose bactérienne à la fois dans l’urètre et sur la peau du pénis. Les hommes devaient se traiter en même temps que leur partenaire.

Les femmes des deux groupes, elles, prenaient des comprimés de 400 mg de métronidazole deux fois par jour pendant sept jours. En cas de contre-indication, elles pouvaient recourir à une crème intravaginale de clindamycine à 2 % pendant sept nuits ou à un gel de métronidazole à 0,75 % pendant cinq nuits.

Les couples des deux groupes devaient éviter d’avoir des relations sexuelles pendant les sept jours du traitement.

Adhésion au traitement

Au bout de douze semaines, 24 des 69 femmes (35 %) dont le partenaire avait été traité ont eu une récurrence contre 42 des 68 du groupe témoin (63 %). Le temps moyen avant la réapparition de la vaginose bactérienne était de 74 jours dans le groupe intervention et de 55 jours dans le groupe témoin (P 0,001).

Le port d’un stérilet ou la circoncision du partenaire n’ont pas fait de différence dans l’apparition des récurrences. Il n’y avait pas non plus d’association avec la contraception ou les pratiques sexuelles.

Les effets indésirables ? Quarante-six pour cent des hommes en ont eu : nausées, maux de tête, goût métallique. Cependant, seulement quatre participants ont signalé une irritation ou des rougeurs sur la peau du pénis. Chez les femmes, 58 % ont mentionné des effets désagréables comme les nausées, les maux de tête et des démangeaisons vaginales.

Qu’en est-il de la fidélité au traitement ? Toutes les par­ti­ci­pantes ont pris au moins 70 % des doses. Chez les hommes, la proportion était un peu plus faible : 14 % ont suivi moins de 70 % du traitement. Ils avaient tendance à sauter un peu plus les applications de crème de clindamycine que les doses de métronidazole par voie orale.

C’est par ailleurs lorsque l’antibiothérapie était rigoureusement suivie qu’elle était le plus efficace. Ainsi, les femmes dont le conjoint avait scrupuleusement appliqué le traitement présentaient le taux de récurrence le plus faible : 1,3 par personne-année. Par comparaison, il était de 1,6 par personne-année pour l’ensemble des femmes dont le partenaire avait été traité.

Plus complexe que dans une étude

En clinique, le traitement des partenaires pourrait s’avérer plus compliqué que dans l’essai clinique. « On demande à un homme qui n’a pas de symptômes de se traiter. Va-t-il accep­ter ? », s’interroge la Dre Simard-Émond. Et il aura peut-être à subir des effets indésirables. « Beaucoup en ont eu dans l’étude. De plus, la personne ne doit pas prendre d’alcool à cause de l’effet antabuse. Le couple doit également être abstinent pendant sept jours. Ce sont des petites choses qui peuvent limiter l’adhésion au traitement », estime la Dre Simard-Émond.

Le traitement du partenaire reste néanmoins une avenue intéressante pour la patiente. « Je pense que c’est pertinent de lui offrir cette possibilité, de la lui expliquer et d’en discuter avec elle. Après, c’est aux femmes de voir si elles veulent proposer cette option à leur partenaire. Certaines sont à l’aise d’en parler, et d’autres pas du tout. C’est très personnel. C’est un problème très intime : le symptôme de cette maladie est des pertes vaginales malodorantes. Je pense qu’on peut voir avec les patientes comment elles peuvent aborder le sujet avec leur partenaire. »

Prescription pour le partenaire

Si la femme est d’accord, le médecin peut ensuite rédiger une ordonnance pour le conjoint. « Il n’est pas notre patient, mais on traite déjà les partenaires dans les cas de maladies transmissibles sexuellement. Il faut s’assurer que l’homme n’a pas d’allergie. On peut cependant compter sur la collaboration des pharmaciens. Ils vont faire les vérifications et voir s’il n’y a pas de contre-indications. Pour ma part, je serais à l’aise de faire une prescription », affirme l’obstétricienne-gynécologue.

Par ailleurs, les comprimés de métronidazole de l’étude ne sont pas exactement les mêmes que ceux du Canada. Les premiers sont de 400 mg et les seconds de 500 mg. Mais cela ne pose pas de problème, puisque la dose canadienne est plus forte que celle de l’étude, estime la Dre Simard-Émond. « La crème de clindamycine, elle, est la même. »

Une nouvelle avenue thérapeutique

Malgré la rigueur de l’essai clinique, la Dre Simard-Émond reste avec quelques interrogations. « On connaît le nombre de récurrences au bout de trois mois, mais on n’a aucune idée de leur nombre après six mois. Est-ce que les patientes dont le partenaire a été traité ont eu autant de récidives que celles dont le conjoint ne l’a pas été ? Est-ce que, cliniquement, la différence était vraiment significative ? Si ce n’est pas le cas, on peut se questionner sur la pertinence de traiter les hommes. Parce que beaucoup ont eu des effets indésirables. »

La gynécologue-obstétricienne désirerait donc voir une étude présentant les données de suivi des participantes. « J’aimerais également que l’essai soit répliqué. Le nombre de sujets était quand même très faible. »

Néanmoins, l’étude StepUp est un pas en avant. « Dans le monde de la vaginose bactérienne, il n’y a pas souvent de nouveautés, et les patientes ont beaucoup de récurrences. C’est toujours agréable d’avoir une nouvelle avenue thérapeutique. Cela donne de l’espoir aux patientes et aux cliniciens. »

* Cellules épithéliales vaginales couvertes de bactéries. Le score, qui va de 0 à 10, est déterminé, à partir d’un examen au microscope de sécrétions vaginales, en fonction de la présence et de la quantité de certaines bactéries.

Bibliographie

1. Vodstrcil L, Plummer E, Fairley C et coll. Male-partner treatment to prevent recurrence of bacterial vaginosis. N Engl J Med 2025 ; 392 (10) : 947-57. DOI : 10.1056/NEJMoa2405404.